Tragédie en 4 actes
Pour 2 personnes
Préface
« Déconnexion conjugale » est née d’une observation aussi banale que cruelle : comment le quotidien, surtout lorsqu’il se resserre autour de nous, peut fissurer l’amour. À l’ère du télétravail, des écrans omniprésents et de l’hyperconnexion, nos vies intimes sont devenues des territoires en tension permanente. Le huis clos, autrefois réservé aux tragédies classiques, s’est immiscé dans nos salons, transformant les couples en colocataires épuisés, les gestes tendres en réflexes agacés, et les silences complices en non-dits toxiques.
Cette pièce explore l’érosion d’un couple sous le poids des petites choses : une box internet capricieuse, un café versé trop bruyamment, un regard détourné vers un écran plutôt que vers l’autre. Chloé et Antoine ne se haïssent pas. Ils s’aiment même encore, peut-être. Mais entre les réunions Zoom, les mails professionnels et l’impossibilité de fuir, leur amour s’est effrité comme un signal Wi-Fi en zone morte. Ils ne se battent pas contre une trahison ou un drame, mais contre l’accumulation de riens qui, peu à peu, vident leur relation de sa substance.
« Déconnexion conjugale » est une tragédie moderne sans méchants, seulement peuplée de victimes d’une époque où l’on est plus connecté à son ordinateur qu’à son partenaire. C’est une pièce sur l’absurdité de devoir s’aimer à distance dans un espace confiné, sur la difficulté de partager un canapé quand on n’a plus rien à se dire, et sur ces adieux qui commencent par un « Tu pourrais éteindre ton micro pendant mon appel ? ».
Je l’ai écrite avec une tendresse mélangée d’effroi, en me demandant combien de Chloé et d’Antoine, après des mois à s’observer s’éteindre lentement, ont fini par préférer le silence définitif au bruit des reproches. Car le pire n’est peut-être pas la dispute, mais l’indifférence qui suit. Et parfois, la seule issue est de se déconnecter… l’un de l’autre.
Eric Fernandez Léger
L’intrigue
Dans un appartement transformé en champ de bataille domestique par le télétravail, Chloé et Antoine, un couple autrefois complice, s’enlisent dans une cohabitation toxique. Entre les appels professionnels de Chloé, obsédée par sa productivité, et les sarcasmes désabusés d’Antoine, professeur rongé par l’isolement, leur quotidien devient une guerre de tranchées : règlements absurdes, reproches voilés, et silences plus éloquents que les cris.
Alors que leurs tentatives maladroites pour retrouver une intimité (un apéro virtuel raté, une soirée romantique forcée) échouent, chacun se réfugie dans un monde parallèle : Chloé dans son travail et des messages énigmatiques, Antoine dans l’écriture d’un roman et des lectures suspectes. La découverte d’un mail révélateur (« L’Art de la Séduction ») et l’annonce d’un départ pour Londres achèvent de creuser le fossé.
La pièce se clôt sur une séparation douce-amère, sans drame ni réconciliation : Chloé part chercher un nouveau départ, laissant Antoine face au silence de l’appartement. Leur amour n’a pas succombé à une trahison, mais à l’accumulation de riens, à l’impossibilité de se reconnecter dans un monde où tout les pousse à s’éloigner.
« Déconnexion conjugale » est une tragédie du quotidien, où l’ennemi n’est ni le temps ni l’infidélité, mais une box internet défaillante et deux êtres qui, confinés côte à côte, n’ont jamais été aussi seuls.