comédie en 5 actes
pour 9 personnes
Préface
Nihil est tam incredibile quod non dicendo fiat probabile. » Cette sentence de Cicéron, traversant les âges, semble hanter les trames de cette modeste pièce. Car n’est-ce pas la parole, l’éloquence fallacieuse, l’art de draper le mensonge dans les oripeaux de la science ou de la nécessité, qui permettent aux imposteurs de prospérer au sein de la comédie humaine ?
En mettant en scène les tribulations pédestres de Monsieur de Pince-Maille et les manœuvres pseudo-érudites de Maître Cornélius, mon intention n’a point été de livrer une simple pochade. J’ai souhaité, à travers le prisme déformant de la farce, interroger cette inclination persistante de l’esprit humain à se laisser séduire par les apparences, à préférer le réconfort illusoire des promessesGrandiloquentes à la rigueur austère de la raison.
De Molière à Daumier, la figure du charlatan a traversé les siècles, symptôme d’une société prompte à succomber aux mirages. Qu’il s’agisse de guérir les maux du corps ou les angoisses de l’âme, ces marchands d’illusions prospèrent sur notre besoin de croire, sur notre désir de solutions faciles et rapides.
Cette pièce, avec ses dialogues vifs et ses situations burlesques, se veut ainsi une modeste contribution à cette longue tradition de la satire sociale. Elle invite à une vigilance intellectuelle, à un examen critique des discours qui nous sont servis, souvent avec une emphaseInversement proportionnelle à leur substance.
Que le rire, cet attribut si spécifiquement humain selon Rabelais, nous permette de prendre une distance salutaire face à nos propres faiblesses. Et qu’à la lecture de ces péripéties plantaires, chacun puisse méditer sur la fragilité de notre jugement lorsque la vanité et le désir prennent le pas sur la lucidité.
Eric Fernandez Léger
L’intrigue
Dans le tourbillon élégant et parfois douloureux du Paris du XVIIe siècle, où les talons hauts sont rois et les cors aux pieds, une affliction bien partagée, un homme fait son apparition : Maître Cornélius. Se présentant comme un érudit en l’art délicat de la pédicurie, il captive les esprits et soulage (ou prétend soulager) les douleurs plantaires de la noblesse et de la bourgeoisie. Mais derrière ses discours fleuris et ses onguents aux noms étranges, se cache-t-il un véritable expert ou un habile manipulateur, profitant de la vanité et des souffrances de ses patients ?
Suivez les mésaventures de ses clients, de la marquise coquette dont les pieds sont un enjeu de séduction, au bourgeois Jourdain (un autre !) rêvant de légèreté pour ses danses maladroites, en passant par la servante rusée qui voit en Maître Cornélius un moyen d’améliorer son sort. Les consultations deviennent des scènes rocambolesques, les remèdes improbables s’enchaînent et les secrets de chacun risquent d’être révélés au détour d’un ongle incarné.
Entre satire sociale, comédie de mœurs et quiproquos savoureux, « Le Pince Maille » explore avec l’esprit et la finesse propres à Molière, cette partie du corps souvent négligée mais ô combien révélatrice des faiblesses et des obsessions humaines. Jusqu’où Maître Cornélius mènera-t-il son art ? Et qui verra clair dans son jeu ? La réponse se trouve au bout… du pied !