Comédie en 3 actes
Pour 7 personnes
Préface
Bienvenue dans le fascinant, le vertigineux, le parfois pathétique royaume de l’Homo influencius. Non, il ne s’agit pas d’une nouvelle espèce découverte dans les profondeurs de l’Amazonie, mais plutôt d’une créature étrange et proliférante de notre ère numérique : l’individu dont l’existence semble intrinsèquement liée au nombre de ses abonnés, à la qualité de son éclairage et à la pertinence (souvent douteuse) de ses placements de produits.
J’ai longtemps observé cette faune bigarrée, ses rituels étranges devant des écrans lumineux, son langage codé fait de hashtags et d’émojis, sa quête incessante d’une validation virtuelle qui, ironiquement, semble parfois creuser un vide bien réel. C’est de cette observation, à la fois amusée et légèrement inquiète, qu’est né Homo influencius.
Cette pièce n’est pas une charge à brûle-pourpoint contre les influenceurs. Ce serait trop simple et, avouons-le, manquerait singulièrement de nuance. Il s’agit plutôt d’une tentative de lever le voile, avec un sourire (parfois jaune), sur les mécanismes de cette économie de l’attention qui nous concerne tous, que nous soyons acteurs ou simples spectateurs de ce théâtre digital.
À travers le prisme de Léo, l’archétype de l’influenceur en pleine ascension (et en plein doute), et le regard acéré de Chloé, l’observatrice cynique mais non moins impliquée, j’ai voulu explorer les illusions et les désillusions, les vanités et les fragilités qui se cachent derrière les filtres et les « stories » éphémères.
La panne, cet événement aussi banal que potentiellement cataclysmique pour nos vies hyper-connectées, agit ici comme un révélateur. Privés de leur oxygène numérique, nos personnages sont forcés de se confronter à une réalité qu’ils avaient soigneusement mise de côté. Les masques tombent, les vernis craquent, et derrière les identités construites à coups de likes, apparaissent des êtres humains avec leurs failles, leurs contradictions et, peut-être, une infime lueur d’espoir.
Alors, installez-vous confortablement. Observez ces spécimens d’Homo influencius dans leur habitat naturel (un loft sponsorisé, bien sûr). Riez de leurs travers, reconnaissez-y peut-être une part de vous-même, et qui sait, la prochaine fois que votre téléphone vibrera, vous y penserez peut-être à deux fois avant de liker compulsivement la énième photo d’un smoothie « détox » ou d’un coucher de soleil retouché.
Eric Fernandez Léger
L’intrigue
Léo, jeune influenceur en pleine ascension, incarne à la perfection cet univers superficiel : il enchaîne les stories sponsorisées, jongle avec les codes promotionnels et vit dans la peur permanente de perdre en engagement. Face à lui, Chloé, plus lucide et cynique, observe d’un œil amusé cette course effrénée à la notoriété virtuelle.
Leur quotidien hyperconnecté bascule lorsque une panne d’électricité les prive brutalement de leurs précieux écrans. Coincés dans l’obscurité, ils sont forcés de se confronter à une réalité qu’ils avaient soigneusement évitée : leur dépendance aux réseaux, leur quête désespérée de validation et le vide derrière leurs identités numériques.
Au fil de leurs échanges, des confessions inattendues émergent. Léo avoue son besoin maladif d’être vu, tandis que Chloé révèle sa désillusion face à un système qu’elle méprise tout en y participant. La découverte d’objets d’un autre temps (un vieux Game Boy, des lettres manuscrites) les pousse à réfléchir à une époque où l’on vivait sans algorithmes.
Mais lorsque l’électricité revient, le monde digital les rattrape aussitôt. Leurs agents, Max et Jade, leur proposent des collaborations encore plus lucratives, capitalisant sur leur expérience de « déconnexion forcée ». Tiraillés entre leur désir d’authenticité et les exigences du marketing d’influence, Léo et Chloé tentent de trouver un équilibre… sans savoir s’ils peuvent vraiment échapper au système.